that's a ghost, bro (echolios)

J'ai enfin fini par décider de trier les photos de la fin de mon voyage.
Trier deux ans de photos, c'est long - surtout quand la plupart d'entre elles sont d'innombrables photos prises dans les lieux les plus hantés de la planète. Hantés, selon le standard humain. Jusque maintenant personne n'a réussi à prouver l'existence de fantômes. Ou d'esprits. Tout ce genre de chose. Même nous n'avons pas assez de preuves pour prouver qu'ils existent ou non.
Je me suis renseignée, pourtant, cherchant dans les bibliothèques du palais à Moscou. En demandant à Père, et aux archivistes, ils ont tous répondus la même chose. C'est que des histoires, Echo. Même pour nous. Les morts restent morts.
Loin de m'avoir convaincue - les vampires sont des morts vivants, après tout - ces réponses n'ont fait que me motiver encore plus.
La conséquence de ce coup de tête et d'un besoin urgent de vacances, le plus longues possibles, c'est que je me retrouve avec des tas de dossiers qui bouffent la mémoire de mon téléphone, des caméras, et de mon ordinateur. Un pur désastre dont j'ai repoussé le tri à la dernière minute. En partant, j'ai choisi cet ordinateur flambant neuf pour la seule raison qu'il offre une fonction de tri automatique des photos, et vidéos, en détectant l'endroit où elles ont été prises. J'ai décidé de me concentrer sur l'Ukraine depuis que le soleil s'est couché.
Comme je passe par toutes les photos, je soupire. Les fichiers en détiennent au moins un millier. Il ya encore plus de vidéos dans la carte mémoire de mon appareil photo, je sais, et cela suffit pour me faire perdre toute ma nouvelle détermination pour une seconde. Ensuite, je décide de brancher mon casque. Quelque chose que je n’ai pas encore fait est d’écouter les fichiers audio que nous avons capturé une nuit.
J’ai cherché les endroits hantés les plus étranges d'Ukraine, et l’un d’eux m’a tenu tête. C’est les ruines d’un château brûlé, au milieu de la forêt. La plupart des humains de la région ont des tonnes d’histoires à ce sujet. Comment certains d’entre eux peuvent entendre des voix à l’intérieur (je pense que c’est le vent), comment ils voient des figures ombragées dans un coin. Comment les plantes ont commencé à pousser tout autour, sauf dans certains milieux. C’était plus bizarre — j’ai appris quelque part que les plantes aiment pousser en cendres.
J’ouvre toutes les photos, une par une. L’un d’eux se démarque. Je me souviens de l’imprimer, à la fois avec la technologie humaine simple pour l’accrocher sur ma carte du monde (j’ai raccroché une image dans tous les pays où je suis allée) et avec la technologie vampire. Je ne sais pas exactement quelle est la différence, mais j’ai eu la photo imprimée plus tôt aujourd’hui, et je décide de déchirer le paquet ouvert.
J’aime cette photo, même si c’est juste moi assis sur le rivage d’un lac. Je me souviens à quel point cette zone était relaxante, même si nous étions debout juste en face des ruines brûlées.
En parlant de ruines — l’image a été ruinée. Il y a une tache d’encre juste derrière moi. Dans le coin supérieur gauche, et quand vous regardez de plus près sur elle, il ressemble un peu à la forme d’un homme.
Je finis par sourire. Peut-être que ça pourrait être un fantôme, après tout.
Ou juste une tache d’encre. C’est ce que les gens raisonnables vont me dire.
Je ne suis pas l’un d’eux, cependant.
Je ne fais pas beaucoup de cette image et continuer à passer par les autres, et après avoir supprimé tonne de photos inutiles, je décide d’écouter les fichiers audio.
Cela prend beaucoup de temps, aussi. Cette nuit-là a été assez longue, et froide. Et effrayant.
Une des meilleures nuits que nous avons eu jusqu’à présent.
Quelque chose que je veux vraiment vérifier est le moment où je suis resté seul au milieu de ce qui était une sorte de grande salle. Je veux vérifier si ce que j’ai entendu ce soir-là était un produit de mon imagination ou non.
« Sa vie pour la mienne », dit-il, dans un murmure terrifiant désincarné. « Ta vie pour la sienne », répond une autre voix.
C’est quelque chose que je n’imaginais certainement pas, si l’enregistreur l’a eu aussi.
Il faut un peu de temps pour que je réalise que peut-être j’ai une preuve, une vraie preuve, et une autre aussi si la tache de l’encre est autre chose qu’une tache d’encre. Ces voix étaient les plus convaincantes par rapport à toutes celles qui provenaient de la spirit box que j'ai achetée à New York.
Un garde entre, me faisant sursauter. Je ne montre rien sur mon visage, cependant. Je n’aime pas faire savoir aux gens ce que je ressens.
"Le prince Hélios est à la porte, Princesse."

ECHO — Mais bien sûr. Laissez-le entrer.

Je vais saluer mon frère avec le sourire.

ECHO — Tu m’as manqué, grand frère. J’ai quelque chose à te montrer. J’ai passé en revue mes dossiers et je pense que ça va t'intéresser. 

Il était rare que tu ai le temps de venir au Palais ces derniers temps - depuis l'attaque de l'arène, puis des rumeurs qui circulent sur de potentiels dégénérés près des grottes et des plages, tu ne cessais d'entrainer les Gardiens et de participer aux rondes pour assurer la sécurité de chacun. Mais il était nécessaire que tu viennes à la rencontre de l'Empereur une fois par quinzaine, lui assurer que tout était en place, lui faire le rapport des quelques incidents ou échanger sur les inquiétudes que tu possédais sur les évènements à venir. Tu doutais que l'attaque de l'arène soit un hasard - et tu n'aimais pas voir tous les sangs purs du monde venir prendre leur quartier à Haima. Tu ne leur faisais guère confiance, certains ayant été des ennemis, certains ayant été vaincus - et à leur place tu ne te gênerais pas pour faire ravaler la défaite à tes ennemis.
Tu étais sous tendu, espérant ne rien voir de fâcheux advenir tout en te préparant à cette éventualité. La seule personne qui arrivait à faire naitre un peu d'apaisement dans ton esprit était Séléné - depuis un mois à présent votre relation avait prit un nouveau tournant, et quelques baisers passionnés avaient été échangés au lever du jour. Tu aimais l'avoir avec toi dans ton sommeil - bien qu'outre cela, rien n'avait vraiment changé entre vous. Vous vous battiez ensemble, vous entrainiez les autres recrues ensemble, vous patrouillez ensemble - tout était pareil, outre vos coeurs mis à nu.

Mais cette fois, ta venue au Palais fut aussi l'occasion pour toi de rendre visite à ta petite soeur. Echo était revenue de ses voyages et tu avais hâte de l'entendre t'en parler - tu aimais parler avec ta petite soeur, la laissait te raconter des choses qui te dépassaient parfaitement, comme tu n'avais aucune appétence pour les technologies et le monde des mortels comme elle pouvait l'avoir. Tu préférais rester dans ta caserne, te sentir proche de tes hommes, dans ce monde militaire que tu avais toujours connu. Le reste te semblait barbare et superficiel, n'apportant rien de plus que des ennuis. Mais Echo aimait cela - alors tu faisais un effort pour elle. Tu te présentais à ses appartements, heureux d'y trouver des nobles pour prendre soin d'elle et t'empêchaient d'entrer sans son consentement. Tu finis par pouvoir la rejoindre, cependant. « Tu m’as manqué, grand frère. J’ai quelque chose à te montrer. J’ai passé en revue mes dossiers et je pense que ça va t'intéresser. » L'impatience de ta petite soeur ne t'étonnait guère, te posant près d'elle pour découvrir une photo près d'un lac que tu n'avais pas revu depuis des siècles. « L'Ukraine ? » demandas-tu, bien qu'inutilement, la surprise te faisant parler plus vite que tu ne l'aurais souhaité, vendant la preuve que tu reconnus l'endroit en une seconde. « Que dois-je regarder ? »

La table sur laquelle je me suis installée pour trier et éditer est un désastre. En regardant par-dessus l'écran de mon ordinateur, je peux voir les papiers, photos et albums et cartes du monde étalées dessus. Si ma mère entrait dans la pièce maintenant, il est facile pour moi de l'imaginer faire une attaque.
Heureusement, ce n'est pas le cas de mon frère, qui a l'air de ne pas vraiment faire attention du désordre que j'ai causé. Dès son arrivée, il se concentre sur ma photo — celle où je suis assise sur le bord du lac, prise par Sae Jin le jour où nous étions allées en Ukraine.
Si je suis impatiente, c'est que j'ai tendance à me réjouir de tout et n'importe quoi. C'est surtout le cas quand j'attends de voir quelqu'un de ma famille, ou des amis.
Maintenant que Hélios est à côté de moi, je le sens tendu. Je décide de lui demander pourquoi plus tard, si il veut bien en parler, évidemment — peut-être que ça l'aidera à aller mieux. Mais avant de lui demander, j'ai mes photos et l'enregistrement à lui montrer et j'ai trop hâte d'avoir son avis dessus pour changer de sujet.
HELIOS — « L'Ukraine ? » Je hoche la tête, curieuse de savoir comment il réussi à reconnaître l'endroit de suite. Le lac pourrait être n'importe où. N'importe quel lac. Mais il l'a reconnu au premier regard.
ECHO — « Tu y es déjà allé? C'était l'idée de Mère, elle m'a dit de visiter les provinces de l'Empire, pour mieux le connaître. » Son ton de voix me fait penser qu'il vaut mieux que je justifie mon choix. C'est elle qui a fait mon itinéraire de retour en Russie, incluant chacune des terres possédées par notre famille dans le chemin du retour. C'était une des conditions pour que je puisse partir. Le château, lui, était mon idée, choisi après quelques heures passées à faire des recherches pour la série de vidéos que je poste avec Sae. « Par contre, j'ai trouvé cet endroit toute seule. Sur internet, les humains disent que c'est le coin le plus hanté du pays.» Allez savoir pourquoi. Leurs archives n'ont pas trouvé de réponses sur les mystérieux habitants du château qui hantent encore ses murs. Je n'ai pas trouvé la solution non plus — pour le moment.
HELIOS — « Que dois-je regarder ? »
La tache d'encre n'étant qu'une pauvre tache sans grande importance, à mon avis, je décide de lui montrer l'enregistrement.
ECHO — « Ecouter, plutôt. Pas regarder. Tu me diras ce que tu en pense... j'en ai encore la chair de poule, et je ne sais pas quoi en penser... »
Je lui donne des écouteurs et démarre l'enregistrement, anxieuse. Si il avait besoin d'une preuve — c'est la meilleure que j'ai pu trouver. 

Difficile pour lui de ne pas reconnaitre les lieux du crime. Il n'aurait jamais cru qu'il serait à nouveau face à ce lac, à ce château qui hantait ses souvenirs de soldat et de capitaine à l'époque où il faisait ses preuves. A l'époque où il portait encore l’étendard des Moldovan plutôt que celui des Lightwood. Difficile, de ne pas se souvenir des heures sombres de cette guerre menée par le Roi Fou, et de ces derniers instants qui avaient scellé le destin d'Echo. Il n'aurait imaginé qu'elle serait à l'origine de ces souvenirs remontés cependant. Pourquoi, elle était là, avec sa naïve candeur, tenant les preuves de son dernier voyage sans se soucier de ce qu'elle avait vraiment découvert. « Tu y es déjà allé? C'était l'idée de Mère, elle m'a dit de visiter les provinces de l'Empire, pour mieux le connaître. » Qui a mené les guerres pour que ce soit notre Empire, Echo ? Le Royaume de Russie est le plus grand car nous avons gagné le plus de combats. Nous, lui et les soldats, les armées de son père qui seront un jour les siennes.
Bien qu'il était, lui, le fondateur des Gardiens d'Haima et préférait se battre avec eux aujourd'hui. Pour l'heure, il se concentrait sur sa petite soeur et sur les photos et les éléments de son enquête dans le Royaume. « Par contre, j'ai trouvé cet endroit toute seule. Sur internet, les humains disent que c'est le coin le plus hanté du pays.» Rien d'étonnant à cela, il opina simplement. C'était sans doute le lieu le plus hanté pour lui aussi.

« Ecouter, plutôt. Pas regarder. Tu me diras ce que tu en pense... j'en ai encore la chair de poule, et je ne sais pas quoi en penser... » Il prit les écouteurs, les posa sur ses oreilles et resta un moment à ne saisir que le silence. Le vent soufflant, les feuilles qui tombent, puis une voix qui s'élevait d'outre-tombe. « Sa vie pour la mienne » Il se figea, ôta rapidement les écouteurs et cessa tout mouvement un instant. Souvenir violent, réel, soudainement trop réaliste pour son esprit. Qu'en penses-tu toi ? demanda-t-il finalement, se méfiant de ce que sa soeur sait ou non.

HELIOS — « Qui a mené les guerres pour que ce soit notre Empire, Echo ? Le Royaume de Russie est le plus grand car nous avons gagné le plus de combats. »
Je gèle, en colère contre moi-même à cause de ma stupide question. Bien sûr qu’il y est allé. C’est évident. Il est évident qu’il y avait une lutte de vampire qui se passe - tous ces endroits couverts de cendres dans la région, pourquoi le bâtiment est toujours debout, même si la plupart de celui-ci était censé brûler au sol. J’ai juste été assez naïve pour penser que c’était peut-être juste un combat parmi d'autres, sans grande importance. Je n’ai jamais été intéressée par l’histoire militaire de l'Empire de Russie, je n’ai appris ce qu’on m’a donné quand j’étais plus jeune. Les combats en Ukraine n’étaient certainement pas dans mon programme. Ou, une autre possibilité était que lorsque mes instructeurs en ont parlé, j’ai cessé de faire attention. J’aurais pu.
ECHO — « Que s’est-il passé là-bas? Je ne me souviens pas qu’aucun de mes professeurs d’histoire ne m’ait parlé d’une guerre en Ukraine. »
Ce qui est bizarre. Notre famille a tendance à être fière de nos réalisations et je me souviens que les enseignants se vantent beaucoup des victoires. Peut-être qu’on a perdu là-bas ?
Pourquoi suis-je soudain si curieuse à propos d’une guerre ?
Si mon frère demande, je ne suis pas sûr de ce que je pourrais répondre à cela.
Ne sois pas stupide, je me le dis. Ce n’est ni important ni significatif. Si c’était le cas, quelqu’un me l’aurait dit.
Je lui explique pourquoi je suis allé là-bas, je ne sais pas pourquoi je me sens comme je dois éclaircir les choses. Je le regarde de près, sentant son corps tendu comme il écoute mon enregistrement.
Au moins maintenant, je sais que je ne suis pas perdre mon esprit tout en entendant des voix de nulle part, parce qu’il l’a entendu, aussi.
HELIOS — « Qu'en penses-tu toi ?»
ECHO — « Je ne sais pas. Pour être honnête, la seule chose dont je suis certaine c’est que si toi aussi tu as tout entendu, cela signifie que je ne suis pas perdre mon esprit. Tu crois que les fantômes existent ? »
J’ai l’air d’une gamine quand je demande ça. Mais je m’en fiche. Parce que c’est la vraie question. Est-ce un fantôme qui parle dans le vide que mon enregistreur a enregistré ?
Peut-être hélios peut-il l’expliquer, puisqu’il était là une jour. Il sait ce qui se passe dans les guerres mieux que quiconque que je connais.

L'Ukraine. Souvenirs irradiants une colère sourde, il portait en lui tous les détails de cette guerre vengeresse et cruelle comme des démons qu'il portait depuis des siècles en refusant de les libérer. Il n'en parlait pas, son père l'ayant interdit, sa mère l'évitant soigneusement. S'il était rentré en Russie victorieux, portant dans ses bras la dernière descendante d'une famille brûlant dans le passé, il avait un sentiment d'échec cuisant. De cruauté soudaine, qui avait violenté son esprit avec tant de force qu'il en fut éternellement changé. Il se prit d'affection pour Echo, l'aimant comme une soeur, la protégeant contre tous, contre tout. Espérant pouvoir la préserver des atrocités de son histoire. Mais il semblait qu'il ne pouvait pas fuir éternellement comme il l'aurait aimé. « Que s’est-il passé là-bas? Je ne me souviens pas qu’aucun de mes professeurs d’histoire ne m’ait parlé d’une guerre en Ukraine. » Il s'y ait passé des choses atroces. Des événements qu'il n'est guère acceptable de faire apprendre aux enfants. Admit-il, sentant qu'il vivait un moment particulier, auquel il ne pouvait pas se soustraire. Le temps des révélations. Le temps des vérités. Etait-il prêt pour cela ? Nous avons fait la guerre à l'Ukraine par idéologie. Car il se trouvait sur le trône de ce pays, un roi fou. Expliqua-t-il, se souvenant qu'il n'était plus acceptable de voir ce voisin perdre l'esprit sans agir pour l'arrêter et libérer son peuple.

L'enregistrement le glaça, lui rappelant la voix et la présence de ce roi qu'il tua lui-même. Un roi qui jaillissait dans l'écho d'une déclaration. Sa vie, contre la sienne. « Je ne sais pas. Pour être honnête, la seule chose dont je suis certaine c’est que si toi aussi tu as tout entendu, cela signifie que je ne suis pas perdre mon esprit. Tu crois que les fantômes existent ? » Seulement les fantômes des souvenirs passés. Ce qui se trouve là-bas, c'est les atrocités de la guerre. Dit-il, secouant la tête en refusant d'admettre quelque chose qu'il ne pouvait pas comprendre. Mais j'ai aussi entendu ses voix. Rajouta-t-il, ne pouvant le cacher à sa petite soeur adorée. il se força à la regarder dans les yeux, se perdant un moment dans ces orbes juvéniles qui n'avaient pas changé depuis la première fois qu'il n'avait prise contre lui. Echo, il y a des portes qui s'ouvrent pour ne jamais pouvoir être refermée. C'est l'une d'entre elles. Si tu veux entendre la vérité, je ne saurais te la cacher, car tu me sais incapable de te refuser quoi que ce soit. Mais je me dois de te prévenir avant : cela ne sera pas agréable à entendre.

J'observe le visage de mon frère après avoir lancé l'enregistrement, curieuse de savoir si il réagira de la même manière que moi. Si il garde un visage neutre, ça sera sûrement parce qu'il n'entend rien du tout. Et dans ce cas, peut-être que j'ai imaginé quelque chose. Mais si j'ai de la chance et qu'il laisse passer une émotion sur son visage, pour une fois —j'ai toujours pensé que Hélios est un bien meilleur acteur que moi quand il s'agit de rester impassible — j'arriverai peut-être à deviner si il entend la même chose que moi.
Cette voix glacée et terrifiante ne quitte pas mes oreilles, une fois les écouteurs au loin. J'imagine l'audio que Hélios est en train d'écouter. Le bruit du vent, le silence sans aucun bruit de respiration. Le guide n'était pas avec moi à ce moment-là. J'ai décidé moi même de passer du temps seule au milieu de la salle, pour essayer d'avoir quelque chose. Certains disent que les fantômes seront plus inclinés à se manifester si une seule personne se trouve sur les lieux de l'enquête.
Pour une fois, ils avaient raison. L'angoisse que je ressens maintenant me noue la gorge, et je suis sûre qu'elle est visible sur mon visage.
Je suis autant curieuse qu'angoissée maintenant. Je sens qu'il y a un secret quelque part, alors que je fouille dans mes souvenirs pour essayer de me rappeler si quelqu'un a mentionné l'Ukraine ou non. Quand je ne trouve rien, j'en fais part à Hélios. Mes professeurs avaient tendance à parler de notre histoire militaire en permanence, enjolivant les détails de chaque victoire, insistant parce que notre famille n'a presque jamais perdu une bataille. Peut-être que cette bataille en Ukraine s'est soldée par une défaite. Trop de morts pour rien – donc aucune commémoration.
C'est la première solution qui me vient à l'esprit. La plus simple et la plus logique.
HELIOS – « Il s'y est passé des choses atroces. Des événements qu'il n'est guère acceptable de faire apprendre aux enfants. » Pour moi, un simple combat est atroce. Je serre les poings, j’ai une boule dans le ventre. Un tel silence n’annonce rien de bon. « Nous avons fait la guerre à l'Ukraine par idéologie. Car il se trouvait sur le trône de ce pays, un roi fou. »

Oh. Je reste muette un moment – qui pourrait imaginer que notre famille fasse la guerre par idéologie ? Certainement pas moi. C’est sans doute pour cela que personne n’en a parlé. Ca ne nous ressemble pas.
Je finis par poser la question qui me taraude depuis tout à l’heure, et cette fois, c’est une réponse à laquelle je m’attendais que je reçois.
HELIOS – « Seulement les fantômes des souvenirs passés. Ce qui se trouve là-bas, c'est les atrocités de la guerre. »
Je hoche la tête, et finis par sourire.
ECHO – « Toujours aussi rationnel, hein ? »
HELIOS – « Mais j'ai aussi entendu des voix. »
Je fronce les sourcils. Nouvelle surprise du jour – j’avais tellement envie d’apprendre que c’était un produit de mon imagination. Qu’il n’y avait rien à craindre de cet enregistrement, ou qu’un des guides s’était caché juste pour faire peur.
ECHO – « Qu’est-ce que tu as entendu exactement ? »
Plus j’en saurai, mieux je me porterai, je décide au moment où je pause ma question. Autant régler cette histoire maintenant.
HELIOS – « Echo, il y a des portes qui s'ouvrent pour ne jamais pouvoir être refermée. C'est l'une d'entre elles. Si tu veux entendre la vérité, je ne saurais te la cacher, car tu me sais incapable de te refuser quoi que ce soit. Mais je me dois de te prévenir avant : cela ne sera pas agréable à entendre. »
Ca ne fait qu’augmenter ma détermination à tout savoir. Je n’aime pas qu’on me cache quelque chose.
ECHO – « Peut-être, » je réponds, en prenant soin de bien choisir mes mots. « Mais tu as l’air d’avoir gardé cette histoire pour toi pendant trop longtemps. »