I choose you for revenge - Kolren Winthør

Les corps dansant les uns contre les autres sous les néons colorés de la piste animent la pièce d’une énergie électrique à mesure que la demande de consommation s’intensifie. Bientôt les barmans crouleront sous les commandes et je ne peux que contempler cette détresse du haut de mon perchoir. De ce point de vu stratégique, j’ai une vue d’ensemble sur la majeure partie de l’établissement ainsi que sur la populace qui s’y prélasse. Une place de choix concernant mon poste puisque la « paix » du Heaven repose sur mes frêles épaules et sur celle de mon équipe. Appuyée contre une rambarde, je laisse tourner mon mélange sang/rhum dans le fond de mon verre avant de le vider d’une traite. C’est l’heure. Minuit vient de sonner. Un signal évident pour que la soirée commence véritablement puisque nous venons de passé dans l’obscurité, la sauvagerie la plus totale. Je dépose rapidement le récipient qui m’encombre les mains sur un plateau voisin puis adresse un regard à l’un des vigiles, l’entraînant à ma suite dans les escaliers. Notre duo arrive rapidement non loin de la piste de danse pour toiser cette effervescence montant en flèche dans le club ; si on arrive à s’en sortir sans dommages ce soir ce serait parfait. Une maigre liste d’instruction filtre entre mes lèvres, tout juste de quoi maintenir les gardiens du lieu aux aguets, jusqu’à ce que je me détache de la silhouette du gorille. Sa brève inclinaison de tête dans ma direction traduit à la fois respect et obéissance, un signe qui me rassure pour la nuit à venir. Un large sourire aux lèvres, je m’éloigne de lui dans ma tenue de fête et me promène dans ce vaste étage comme un berger surveillant ses moutons. C'est un rituel que j’ai dans la peau depuis plusieurs lunes maintenant, mais on ne peut me reprocher d’être « prévenante » concernant nos clients, n’est-ce pas ?
Pas à pas, j’explore l’enchaînement de salles que je connais par cœur puis rejoins le comptoir ou la moitié du petit peuple se masse. Ici, riches et pauvres s’agglutinent et il en va de même pour les humains comme pour mes semblables vampires. Le sourire mutin qui égaye mes traits en cet instant trahit tout mon amusement à les voir hurler malgré la musique assourdissante et je contourne aisément l’attroupement pour demander ma propre boisson sous le regard des autres employés. Il suffit d’une minute pour que je sois servie et c’est l’air ravi que je prends de nouveau le large, rejoignant un de mes hommes dont les signes attirent toute mon attention. L’armoire a glace se penche aussitôt à mon oreille lorsque j’atteins son niveau. Il parle d’une fille réclamée par un client, mais visiblement la demoiselle est coincée ailleurs. Ce genre de problème… Un soupire plus tard accompagné d’un haussement de sourcil, mon cocktail se trouve entre les larges phalanges du dénommé Giovanni tandis que mon ombre disparaît au travers de la folle pour retrouver la demoiselle en question.

C’est au détour d’une table que je devine deux silhouettes alanguis dans une banquette voisine et Keira semble bien faire partie de ce couple enseveli dans la pénombre. J’ose approcher sans crainte et brise leur occupation par un raclement de gorge sonore. Les cheveux en bataille, les lèvres barbouillés de son propre rouge à lèvre, la jeune vampire se redresse aussitôt face à mes iris brunes ; au moins a-t-elle compris que je ne m’étais pas déplacé pour rien.
« Bonsoir. Navré de vous interrompre, mais Keira, trésor, tu as été payé ce soir. Je te demande donc de rejoindre ton poste afin de ne pas trop faire attendre le client en question. »
Le ton se veut aussi doux qu’amer, car déjà ma patience s’effrite. Je déteste être importuner par ce genre d’incident bien que cela fasse parti du travail. Par chance, la principale intéressée obtempère dans l’instant en empoignant ses affaires dans la foulée, me laissant seule face à cet inconnu. D’un pas, d’un seul, je m’approche de l’homme désormais seul et un léger sentiment de victoire emplit mon cœur. C’est lui. Je l’ai trouvé. Ces iris d’un bleu glacier, cette bouche, ces traits… Impossible de se tromper. Je joins donc les mains en affichant ma mine la plus courtoise avant de lui adresser un léger sourire pour témoigner ma sympathie à ce visage maintenant de marbre ; il semblait plus agréable à dévorer la bouche de cette pauvre enfant… Encore un de ces êtres portés sur la chose. Un point à ne pas négliger si je compte atteindre mon but un des soirs prochains, si ce n’est cette nuit-même.
« Puis-je faire quelque chose pour réparer cet incident ? Désirez-vous une autre charmante compagnie ? Nous avons plusieurs filles de disponibles et je pense qu’elles peuvent aisément remplacer celle que vous venez de perdre. »
En d’autres temps, je me serais proposé d’emblée, mais cette légère piqûre d’adrénaline que je ressens m’affole toute entière. J’ai envie de jouer. Allez savoir pourquoi au milieu de ces lumières rouges, dans cette ambiance fiévreuse, j’ai envie de bousculer ce regard aussi pur que la plus ancienne des glaces. Isis n’avait pas menti cela dit : c’est un bel homme. J’attends posément la réponse de mon interlocuteur avant de faire signe à l’un des serveurs de s’approcher pour lui dérober deux coupes où se mêle alcool et sang ; un délice pour les papilles.
« Cadeau de la maison. »
Inclinée, ma tenue laisse une vue plongeant sur mes formes au travers de ce décolleté que j’ai décidé d’afficher. Finalement cette robe était un bon choix pour une fois… La mort de Elysium a du bon en me poussant à troquer mes fringues habituelles pour des tenues plus inappropriées. Enfin, qui se soucie de voir ma culotte au court d’un combat au Heaven hein ? Personne.
Toujours penchée face aux iris turquoise de ce troublant personnage, je retiens un rire face à cette maîtrise impeccable de sa personne. Il semble si serein alors qu’un instant plus tôt il manifestait toute son envie vis-à-vis de cette strip-teaseuse que s’en est déroutant. Je conserve un parfait contrôle de mon être en maintenant ma posture alors que je parle à nouveau.
« Alors ? Une requête, Monsieur ? »
Inutile de mentionner son nom. Ici c’est le cadet de nos soucis. Nos regards accrochés l’un à l’autre ne se défont pas comme aimanté par une attraction énigmatique; l’effet robe sans doute ?

La réplique de l’inconnu ne tarda pas à venir suite à ma question. Elle fut prononcée dans une langue qui m’était inconnue et cette surprise m’arrache un léger sourire amusé alors que je restais courbé en deux ; Cet illustre sang-pur semblait tout aussi apte à « jouer » ce soir, un détail très appréciable puisque nous étions sur la même longueur d’onde. Mes iris pétillantes, je le fixais puis reportais mon regard sur la table basse afin de me redresser convenablement l’instant qui suivit. La traduction qu’il m’offrait montrait une profonde suffisance, ou du moins le bougre savait indéniablement ce qu’il valait, et cela attisa un nouvel intérêt au sein même de ma personne. Désormais j’étais ancré parfaitement sur mes talons hauts pour gérer idéalement mon centre de gravité face à ce regard quasi glaçant dont les iris brillaient d’un feu prêt à faire fondre le plus puissant des blizzards. Dans quoi m’étais-je embarqué ? Une folle croisade une fois encore ? Mon menton se redressa sous l’impulsion légère de ma fierté tandis que mes lèvres répondirent avec aplomb face à cette « semi » provocation, presque charmante, du danois.
« أتوسل؟ هذه الكلمة لا تظهر في مفرداتي.»
Ma phrase eut son petit effet, car à son tour mon interlocuteur marqua une légère pause. Pourtant, je n’étais pas prête à lui donner la traduction si aisément et je finissais par lui adresse un clin d’œil à peine charmeur.
« On peut jouer à ce petit jeu toute la soirée si le cœur vous en dit. »
Pure provocation. Toutefois, l’inconnu retrouva rapidement de sa superbe, affichant avec splendeur une noblesse face à laquelle je ne pouvais que plier, tel était la différence de nos lignées : je n’étais qu’une servante des êtres ancestraux dont la beauté était un véritable piège pour les yeux et les coeurs. La voix rauque écrasa bientôt les basses assourdissantes de la musique remplissant le nightclub et à nouveau ma bouche s’ourla avec satisfaction face au nouveau commentaire de l’homme aux cheveux pâles.
« Araël n’est pas du genre à imposer quoi que ce soit à ses sujets si ce n’est de l’ordre et du respect. Et excusez-moi pour mon manque d’hospitalité. Après tout je ne sais parler qu’anglais, allemand, russe et arabe. » Soufflais-je en inclinant ma tête sur le côté dans un mouvement purement séducteur. « Je savais que j’aurais dû prendre un supplément de cours concernant les langues du Nord. Il faut croire que j’ai raté une sacrée découverte. »
Encore plus quand j'admirais le charme danois à l'état pur... Ah décidément. J'aurais du être diplomate comme Mal, cela ne m'aurait apporté que des belles choses !

Mon regard se promena de bas en haut sur le corps alangui sur la banquette et déjà je sentais mes hormones bouillonnées atrocement dans cette tenue beaucoup trop courte. Le plan se déroulerait certainement sans accro si je parvenais à mettre dans le même état ce vampire de glace et déjà cette simple perspective d’effleurer mon but du bout des doigts me fit frémir. Les remerciements furent bref concernant le cadeau de la maison, dans tous les cas je ne m’attendais pas un réel empêchement de ce côté-là. C’était un geste commercial pure et simple, quoi qu’un peu intéressé sur différents aspects. Je laissais donc son verre à la figure nordique pour plonger mon attention dans celui qui m’était réservé tandis que son timbre impérieux exigeait une première requête. Il me voulait moi, à ses côtés, à cette table. J’haussais les épaules d’un air détaché puis prenais place sur moelleux confortable de ce siège en lui adressant une œillade énigmatique. Collés l’un à l’autre, je vins saisir le récipient qu’il me tendait. Nous étions là, yeux dans les yeux, nos mots qui couvraient à peine le brouhaha ambiant. Pourquoi avais-je pourtant cette impression d’être dans une bulle ? Notre bulle ? Nous n’étions que dans un coin du Heaven, pas même une alcôve conçue pour des situations plus intimes. C’était à ni rien comprendre.
« Merci. »
Je scrutais ces deux iris aussi limpides que l’eau avant de porter à mes lèvres ce cocktail dont j’allais avoir désespérément besoin pour ne pas fondre dans l’instant. L’alcool mêlé au sang qui se déversa par la suite dans ma gorge ne fit que galvaniser davantage mes sens et je ne pus que retenir un frisson face à cette vague gagnant tout mon corps. Par chance, les présentations commencèrent à cet instant précis et ce fut une véritable bouffée d’air frais dans ce paysage étouffant dont les teintes brûlantes densifiaient un désir qui germait sous la couche fine de ma peau.
Kolren Winthor. Futur nom a ajouté à ma longue liste « d’escapades nocturnes ». Mais curieusement, il ne semblait pas focalisé seulement sur sa petite personne, son interrogation ne tardant pas à se tourner vers ce « moi » auquel je ne m’attendais pas. D’ordinaire les mecs étaient plutôt du genre à me sauter dessus avant de se carapater au petit matin ; une méthode totalement approuvée par ma conscience dont les conseils n’étaient pas toujours les plus avisés. Je me décidais donc à répondre ; Ma paume reposa ma coupe sur la table voisine puis je me tournais vers celui plus curieux que je ne pensais.
« Hathoroa Najjar. Hathor suffira. »
Roa c’était trop intime. Roa c’était cette facette privée que je réservais à mes proches et c’est pourquoi je fuyais dès que possible l’éventualité qu’un simple coup d’un soir n’ose prononcer ce surnom. C’était un privilège qu’il fallait gagner au fil du temps. Une denrée rare et précieuse en somme…
« Permettez-moi de vous tutoyez. Le contact ne sera que plus... facile. »
D'autant qu'il avait commencé le premier.
« Il ne me semble pas t’avoir déjà vu ? Et vu ta façon de parler de l’Empereur, tu dois avoir atterri sur l’île récemment. »
Perspicacité quand tu nous tiens.
Menton calé au creux d’une de mes paumes, je toisais maintenant cette figure installée face à moi avec mille questions en tête. Comment Isis s’était retrouvée dans le lit de cet homme ? Comment ma sœur pouvait-elle être si… si… cruellement douée parfois ? Ma colère me rongeait en vérité. Je ne parvenais pas à me détache de ce goût de bile amer présent dans ma bouche quand je croisais cette silhouette longiligne et cela ne cessait de prendre de l’ampleur tant les jours qui passaient entre nous faisaient notre rancune se muer en haine.
« En tout cas, excellent choix d’établissement pour se détendre. Ici, ce sera ton paradis. Le Heaven est un lieu fameux sur l’île et il y fait bon d’y vivre, comme il y fait bon d’y mourir. »
Ma légère plaisanterie réanima mon sourire tombé depuis peu dans l’oubli jusqu’à ce que je ne boive de nouveau le mélange corsé que j’avais usurpé au serveur un peu plus tôt. Du coin de l’œil, je continuais de guetter la moindre réaction de cet invité de marque pour finalement m’installer pleinement au cœur de ce sofa dont la teinte bordeaux me rappelait celle de mon breuvage.
« Et… hormis être assise à cette table… puis-je aider d’une quelconque façon à rendre cette soirée plus intéressante ? »
Jambes croisées, nuque parfaitement visible malgré mes mèches brunes, mon corps tout entier pivota en direction du dénommé Kolren alors que j’attendais sa réponse. Pour une fois je semblais parfaitement calme, en dépit de cette attraction sévère que je pouvais deviner. Il suffisait d’un mot de sa part pour que cette soirée bascule, car même s’il discutait, jamais personne ne passait les portes de l’établissement par hasard. Jamais.

J'écoutais le récit de ce nouveau venu sur l'île  soigneusement. De temps à autres il avait appuyé ses paroles en me désignant ses compères et je suivais sans peine du regard le moindre mouvement qu'il gênait à exécuter. La vérité c'est que cela ne m'intéressait guère, je n'étais pas venu pour ça, toutefois pour approcher mon objectif je devais me plier à certaines règles dont celle consistant à l'écouter. Heureusement que j'avais de la pratique de ce côté là. Je le laissais donc poursuivre en vidant progressivement mon verre de son breuvage. Sa surprise concernant ma présence en ces lieux m'arracha un haussement d'épaule : ici il y avait des nobles du monde entier. Grâce à nous l'économie prosperait d'une certaine manière... Nous étions donc également importants, même vis à vis de nos "supérieurs" par lesquels nous étions régis. Le sang ne faisait pas tout.

Vint la fameuse réponse à ma question. Le bougre était perspicace pour parler avec un tel aplomb. Je l'observais doucement en retenant un petit rire, car il me devançait en matière de jeu et c'était très agréable, puis m'appeler Hath... C'était culotté. Je le laissais attendre un rapide instant, tout juste de quoi finir mon cocktail, puis me rapprochais de sa personne avec une attitude féline, comme affamée. Il n'y avait pas à dire, ma garce de sœur avait bon goût et j'étais... Étrangement ravie de m'approprier son dernier quatre heure malgré l'aspect très provoquant d'une telle démarche. Nez à nez avec l'homme du Nord, je pourlèchais mes lèvres avec envie. Mon derme se couvrit de frissons dont j'appréciais l'ardeur. Une de mes paume se posa sur son torse pour effleurer toute sa surface. Je le teasais à ma façon sans pour autant grimper directement sur ses genoux. Non.. Cela viendrait après.
" Allons dans un endroit plus tranquille dans ce cas." Souffla ma bouche à son oreille à mesure que je me reculais pour me relever.
Mon corps allait pour se déplier totalement tandis que j'attrapais le poignet de l'invité du soir entre mes phalanges. L'oeillade que je lui adressais se voulait clairement provoc, diffusant un feu dans le creux de mes reins comme pour m'embraser toute entière, tel était le foyer de mon désir. C'était une véritable tornade qui s'animait.. Allez savoir pourquoi ! Cet interdit me faisait frémir des pieds à la tête !
Un regard en direction de mes subordonnés pour leur signifier que je serais occupée au cours des prochaines heures puis la partie pouvait commencé dignement.

J'entraînais le sang pur à ma suite dans une alcôve plus paisible à l'écart des bruits agressifs de technno dont les basses faisaient trembler les murs. Autour de nous quelques soupirs se firent entendre, mais je n'y accordais guère d'importance pour me focaliser à nouveau sur ma victime du jour. Quoi que... Je serais bien sa proie. Il dégageait un sentiment profondément animal dont le mystère resterait entier du moment que nos peaux ne s'étaient pas collées l'une à l'autre. Nous nous installions donc dans mon propre espac à l'abri des regards. Du plat de mes mains, j'expediais gentiment mon compagnon du soir sur le matelas avant de plonger contre ses lèvres.
"Le Heaven vous souhaite de passé une excellente soirée."
La langue claqua, roula contre mon palais, elle ondulait et se promènait sur les courbes de mes lèvres, tout comme mon corps qui s'installait sur les cuisses du viking. Le naturel pour enlever ma robe était venu à force de traîner des hommes jusqu'ici et je le fis sans peine sous le regard de Soren dont les paumes n'allaient pas tarder à me parcourir.
Mon derme n'était désormais plus couvert que par une pellicule de dentelle noire que je portais de façon légère ; un ensemble séduisant qui prouvait que j'avais anticipé un peu cette occasion, cela dit, seul mes plus proches amis auraient pu remarquer ce détail et ils étaient absents. Une chance en soi.

Ma bouche rencontrait à nouveau celle de l'homme aux cheveux d'un blanc parfait. Je m'impregnais de son aura, de ses gestes brusques, puis soupirais fiévreusement à son oreille afin de lui communiquer mon état. Visiblement il avait su lire en moi avec aisance l'instant d'avant et j'étais toute disposée à alimenter tout ceci pour mon propre plaisir.
" Inutile de dire que je laisse ma peau accessible aux crocs. Du moins... Je te laisse le champ libre si l'envie te prend."

Les hostilités debutèrent ainsi, dans cette chaleur étourdissante, là où la lumière n'était plus qu'une teinte rouge vif faisant ressortir les corps plongés dans la luxure. Je me libérais totalement, m'offrant à cet inconnu qui finirait par changer beaucoup de choses autour de moi.