William Watkins - Not Falling - Délais 06/08

Troisième Croisade

Il a grandi trop vite. Quelle ironie pour quelqu’un qui a plus de 900 ans, hein ? Logique, pourtant. À l’époque où il est né, il n’y avait pas le temps de grandir, surtout par pour quelqu’un comme lui. Le jeune William, fils d’un noble anglais ayant quelques dettes à régler, avait été cédé en tant qu’otage auprès d’une famille rivale. Ce nom, Watkins, ne veut finalement pas dire grand-chose pour lui : il a surtout vécu chez d’autres, les servant avec tous les devoirs d’un fils sans jamais en avoir les droits. Quand l’âge vint, il fut écuyer pour un chevalier de sa famille adoptive, et dût le suivre sur les routes vers la Terre Sainte, lors de la Troisième Croisade.

Les armées du Roi Richard Cœur de Lion arrivèrent jusqu’à Jérusalem (ce qui était toujours mieux que la deuxième croisade, soit dit en passant), où elles combattirent pour arracher ces terres aux Arabes qui les occupaient. C’était la vie de William, pourtant cela lui apparaissait abstrait, obscur. Le jeune écuyer qu’il était devait surtout affronter le quotidien ingrat de son rang : seller les chevaux, entretenir les armures, aider son chevalier à rentrer dedans, et, de manière générale, faire ce qu’on lui disait de faire. Il arrivait parfois à arracher quelques minutes pour lire, rouleaux et grimoires qui restèrent ensuite gravés pour toujours dans un coin de son crâne. 

Mais tout ceci était futile : son avenir était tout tracé. Finir chevalier lui aussi. Loin d’avoir des honneurs sans fin, il fut adoubé rapidement entre deux batailles, et ce pour mieux servir de première ligne sacrifiable. Quelques années plus tard, tout aurait dû se finir pour lui quand il se prit une flèche dans les côtes. William se dit qu’il aurait sûrement mieux fait de ne pas survivre à cette blessure… Si tant est qu’il y ait vraiment survécu. Les philosophes délibèrent. Laissé pour mort, il agonisa lentement, jusqu’à ce que la nuit apporte son lot de monstruosité. Il fut repéré par un vampire, créature dont il n’avait osé croire à l’existence, mais qui fit de lui un de siens. William n’a jamais su si c’était par accident, par jeu ou par malice, mais son créateur l’abandonna là, près des murailles de Saint-Jean d’Acre.

Fin du Moyen-Âge

Impossible pour William de rester aussi loin de la terre qui l’avait vu naître. Petit à petit, il rejoignit son Angleterre natale, où il fit profil bas et loua son épée au plus offrant. La soif de sang était difficile à gérer, mais qui se souciait de filles de joie et de paysans isolés ? Hélas, les règles du monde des vampires ne lui étaient pas connues, et sans les Lightwood qui lui mirent le grappin dessus après une transformation involontaire et infortunée, William ne serait depuis longtemps qu’un tas de cendres.

Il fut emmené à Haima, où il devint un espion pour le compte des Lightwood, entraîné par les Gardiens de l’île. Il put alors enfin se poser de temps en temps dans la bibliothèque, savourer des lectures qui étaient jusque là trop rares, et exercer cette mémoire qui était, semblait-il, sans limites. Une fois son apprentissage assez avancé (il ne le considère jamais terminé, car on apprend toujours), William fut mobilisé sur les différents fronts humains avec comme mission de surveiller à la fois la géopolitique humaine et les clans d’en face. Il eut l’occasion de guerroyer en tant que cavalier et archer pendant la Guerre de Cent Ans, a essayé de rester plus en retrait pendant la Guerre des Deux Roses, a vu le pays se transformer en profondeur face à la Réforme d’Henry VIII et est resté également le plus neutre possible pendant les différentes révolutions anglaises. Il fit également quelques courts séjours dans des cours étrangères, notamment russes, françaises et espagnoles.

Nassau & Les Caraïbes

Pendant toutes ces années, inlassablement, William Watkins a servi les Lightwood avec loyauté et honneur. Revenant régulièrement à Haima le temps qu’on oublie son visage, il apprit également à se déguiser et à se dissimuler, parfois même à se cacher en plein jour, naviguer dans les foules sans se faire repérer, et entrer dans les forteresses au nez et à la barbe des gardes. Généralement passif, il est arrivé qu’on demande à William de supprimer des éléments gênants, sans jamais qu’on lui confie les missions les plus risquées toutefois. Son domaine a toujours été les renseignements, et non l'assassinat.

C’est pour cela qu’il fut envoyé, au début du XVIIIe siècle, dans le Nouveau Monde. Cela faisait longtemps qu’il y existait des colonies, mais les choses étaient devenues particulièrement tendues du côté des Caraïbes, et il n’était pas exclu que des clans rivaux y soient mêlés. C’est une des premières fois où William s’essaya à l’écriture, consignant les tribulations et les hauts-faits de son commandant Woodes Rogers, qui, en quelques années, mit fin à l’âge d’or de la piraterie.

Indépendance Américaine

L’environnement des Caraïbes n’étant pas spécialement facile à gérer pour un vampire, William quitta rapidement les eaux paradisiaques de cette partie du globe pour le froid relatif de New-York. Là aussi, il combattit en même temps qu’il espionne, envoyant régulièrement des messages codés jusqu’à Haima. Bien intégré à l’armée d’indépendance américaine, il restera dans le secteur jusqu’au milieu du XIXe siècle, où il rentra en Angleterre.

Révolution Industrielle

Depuis longtemps habitué à observer les humains comme de drôles d’animaux, William Watkins fut profondément perturbé par la Révolution Industrielle. C’est seulement à ce moment-là qu’il commença à réellement s’intéresser aux armes à feu (il les avait trouvées jusque là peu subtiles et contraignantes), et apprit à tirer. Il étudia également les différentes opinions et manière de fonctionner du monde humain, pressentant que l’apparition des usines allait réellement changer la face du monde. Infiltré dans les milieux les plus sélects, il constata avec plaisir que Londres et son aspect cosmopolite lui facilitait le travail. Il était désormais un peu plus facile d’avoir des informations sur les familles rivales que quelques siècles auparavant.

Début du XXème siècle

Ce serait mentir de dire qu’il n’avait pas vu la Première Guerre Mondiale arriver, mais jusqu’au bout William fut dans le déni, comme beaucoup de monde. Envoyé au front, toujours pour mieux espionner les clans rivaux et étudier cette nouvelle humanité qui n’a depuis longtemps plus rien à voir avec la sienne, il fut effaré de voir à quel point cette guerre pouvait être destructrice. Les proportions n’avaient plus rien à voir avec ce qu’il avait pu connaître.

Pendant l’accalmie des années 20, il continua à étudier, à tenter de prévoir les prochains coups et les différentes directions dans lesquelles pouvaient partir l’humanité. Il en profita également pour voyager un peu plus, se rendre en Afrique et en Asie pour y laisser traîner une oreille, et rentra à Haima quand les tensions entre Chine et Japon commencèrent à mettre sa couverture en danger.

Fin du XXème siècle & XXIème siècle

Le XXe siècle fut une suite d’incompréhensions de la part de William : plus il se tenait en observateur des humains, moins ils semblaient lui faire sens. Oh, il comprenait, tout en restant abasourdi face à l’escalade. Les accalmies n’étaient qu’un peu de temps gagné avant que ce bétail chaotique ne s’autodétruise totalement.

Ses connaissances sur les humains lui servirent pas mal dans son travail d’espion au service des Lightwood. Il s’était toujours demandé pourquoi il avait été épargné, et ce que les Lightwood lui réservaient, mais les siècles passant, il avait vu de moins bons que lui s’élever, et avait commencé à sentir qu’une ère se terminait. Tout allait beaucoup plus vite avec les humains, mais les signes étaient plus ou moins les mêmes. Il n’y avait aucun doute sur le fait qu’il ait été utilisé, il l’avait toujours été, mais ses études personnelles rendaient cet état de fait de plus en plus insupportable. Son état mental personnel ne s'améliorait pas non plus, surtout quand il songeait à toutes ces décennies gâchées à obéir docilement. Quand l’Impératrice fut tuée, il fut le dernier surpris, ayant pressenti qu’il allait se passer quelque chose de terrible.