Toi, moi et ... Non, nous ne sommes plus que 2 - Araël

Une nouvelle nuit avait étendu son grand manteau sombre sur les îles d’Haïma et d’Atlas. La brise de mer s’était tue. La lune dominait le firmament étoilé rendant très certainement jaloux le soleil. Il devait être 23 h : 00, peut-être quelques minutes de plus. Le silence englobait l’espace comme un ami rassurant et sécurisant. J’aimais cette sensation de solitude qui aurait pu faire palpiter mon cœur par tant de possibilité de liberté alors. Cette nuit, je me trouvais dans les ruines d’Haïma. Jamais, je ne connus leur origine. Puis, pourquoi le voudrais-je sinon pour leur arracher de force ce secret. Je préférais leur aura de mystère, mes pieds bottés de chaussures de course en cuir, s’excitant de les fouler.

Du haut de ces ruines que j’eus aisément grimpé quelques minutes plus tôt, je m’élançais de mon promontoire pour retomber plus loin, plus bas en une roulade volontaire contre le roc. Alors, je me sentais libre, vive, vraie. J’avais troqué mes beaux atours de princesse d’Haïma pour un pantalon ample en coton et un haut, sans manches, faisant saillir ma poitrine. Ma longue tignasse noire habituellement bien brossée était attaché en une queue de cheval simple que les serviteurs et les gardes de mon frère auraient tôt fait de me reprocher. Ma chevelure faisait, ainsi, peur à voir.

Je continuais, néanmoins, de courir après mon saut dans le vide faisant fi de mon apparence du moment. Je trottais sur le rebord de ce qui aurait pu être un ancien mur aux contrebas très escarpés ne pensant à rien qu’à l’effort décuplé par mes muscles et à ma vision percevant les moindres détails dans ce noir d’encre.

Subitement, je m’accrochais sur l’un des deux côtés du mur. J’en avais envie puis, je savais que l’escarpement permettait de descendre en quelques mouvements agiles sur le sol herbeux : ce que je fis. Je n’avais pas encore voulu m’arrêter de courir malgré tout, mais la présence d’un corps me fit sursauter à un point tel que j’en perdis l’équilibre et tomba sur les fesses.

- Eh ! Mais qu’est-ce que … !

Maugréais-je mi contrariée mi surprise par la présence d’un homme sur mes devants. Les quatre fers en l’air, ma fierté en ayant pris un coup, je me rendis soudain compte que c’était mon frère. Oui, le mec qui était l’Empereur du monde de la nuit. Ne vous inquiétez pas, j’ai l’habitude de le rencontrer moi. Je l’ai même souvent vu en pyjama.

- Araël ! Mais qu’est-ce que tu fiches ici ? Ne me dis pas que tu me suis maintenant !

Lâchais-je tout en me relevant, mais fortement agacée de ne pas pouvoir m’éloigner du palais un tant soit peu pour me retrouver seule. Bon ok, mon frère était l’Empereur et donc il avait droit de se trouver ici. Comme moi pardi ! Non, il ne fallait pas venir me chercher maintenant. Araël venait de couper court à ma séance de parkour que j’affectionnais tant.

- À moins que tu viennes me dire prendre des cours d’archéologie et on va enfin connaître l’origine de ces ruines.

Rétorquais-je sarcastique tout en pointant les ruines derrière moi. Par « on, » je parlais évidemment de tout le peuple vivant sur Haïma.

Le rire franc et guttural de mon frère s’était répercuté sur toutes les parois de pierre des ruines. Il aurait pu être perceptible à des kilomètres à la ronde et peut-être même sur Atlas : des rumeurs courraient que les chasseurs sur cette île avaient, ainsi, muté. Certes, il m’en faudrait quand même plus pour croire une chose pareille. Oui, Araël se trouvait rigolo ce soir me tendant au moins la main pour m’aider à me relever. Cela faisait un moment, trop longtemps même que je n’avais pas vu son sourire. Si sérieux d’habitude, si sévère plus encore depuis ces trois derniers mois. Je mentirais si je disais alors ne pas avoir point un sourire de compassion et de sincérité. Ce simple rire me faisait un énorme bien et me ramenait trois mois dans le passé, celui cristallin d’Elysium accompagnant celui d’Araël puis, bien vite le mien entrait dans la danse.

Pourtant, malgré toute ma volonté, je ne pus pas m’empêcher de parler tout autre me sentant attaquée, sermonnée comme si souvent dans ma longue vie de vampire sang-pur qui ne rentrait jamais dans les cases de sa propre société.

- Je suis sur la défensive parce que je pensais que tu étais un fou furieux voulant me faire du mal. Ça ne se fait pas de se planter subitement devant les gens comme ça !

Et voilà, mon agacement prenait le dessus et mes mauvaises manières remontaient à la surface. Je croisais les bras contre ma poitrine baissant légèrement la tête, automatiquement coupable des mots étant sortis trop rapidement envers ce frère aîné tant aimé et admiré malgré une jalousie longtemps présente dans un passé axé sur les hommes, mais s’étant dorénavant tarie.

Néanmoins, je restais encore coupable des mots que j’utilisais lorsque Araël s’excusait platement révélant souhaiter me parler ici et non au palais, lieu plus conventionnel selon lui. J’haussais les épaules sachant parfaitement que le « conventionnel » du palais n’était pas la raison première qui l’avait amené à vouloir me parler ici, en pleine séance de parkour comme il l’avait lui-même si bien dit. Je me passais la main droite, subitement las, dans mes cheveux attachés puis, soupirait.

- Je suis désolée si je t’ai brusqué. Rien n’est plus pareil depuis que …

J’aurais pu me mordre l’intérieur des joues puis, me résoudre à sucer mon propre sang d’être incapable de prononcer son nom. Je ne le fis pas préférant m’éloigner pour bondir sur le muret à gauche, moins escarpé par rapport à celui que j’avais descendu.

- De quoi veux-tu parler ?

Affirmais-je les mains sur les hanches et les jambes bien ancrées dans le sol à environ deux mètres en hauteur par rapport à la position de mon frère. Ah oui, je savais bien que des gardes se trouvaient non loin. Je savais bien que Araël me surprotégeait moi sa petite sœur qui lui restait. Il ne savait pas, toutefois, que je comptais apprendre l’art du combat avec des armes. J’étais une femme pas un bibelot. Si les humaines pouvaient le faire, pourquoi pas moi ?

J’aimerais qu’on se parle comme avant. Les « Je sais » et « excuse moi » de mon frère, ne me plaisaient pas du tout. J’aurais voulu le repousser, le frapper et lui hurler dessus. Je voulais l’entendre parler franchement d’elle, de notre sœur de … Elysium. Voilà, je l’ai pensé. Maintenant, il ne me restait plus qu’à le dire ! Mais je n’en trouvais pas la force. Ravalant une larme, j’étais donc monté sur ce muret haut de deux mètres tout en me détournant encore de mon frère. J’étais incapable de le lui dire, j’étais effrayé de parler de ce qui s’était produit. Je me sentais si vide. De le voir faire de même, de s’éloigner de moi, augmentait ce vide en moi. Et je m’en trouvais coupable de ressentir cela envers lui, mon propre frère.

J’avais subitement ricané à la manière dont Araël me voyait perchée là-haut sur ce mur de pierre sûrement bien plus vieux que la somme de nos grands âges. Mon rire était sarcastique et moqueur ce qui me fit du bien éloignant la peur, la tristesse et les larmes de mon être.

- Et si j’en fus réellement un par le passé ? Tu ne le savais donc pas ? Oups, j’ai dû oublier de te mentionner cela.

Gloussais-je la main gauche contre ma bouche cachant de peu le petit air moqueur qui voulait en sortir. Je me sentais alors mieux, reprenant notre conversation là ou on l’avait laissé au moment des excuses de mon frère. Et c’est là qu’il se décidait à parler pour de bon. Mes grands yeux étincelaient la surprise lorsque Araël voulait parler de moi. Je détournais la tête de côté faisant mine d’être forte n’ayant point besoin de ses bras protecteurs de grand frère. C’était un vilain mensonge. Je déglutis manquant de faire couler à nouveau une larme lorsque j’entendis « à toi aussi. » Je hochais rapidement de la tête et de manière négative pour me reprendre. J’eus finalement un sourire sardonique lorsque j’entendis parler de ma force au lieu du quolibet de faible qu’on m’affubla toute ma vie.

- Est-ce que je te semble si faible pour que tu aies peur ? Ça toujours été comme ça et pas seulement avec père. Avec toi aussi. J’ai toujours été la petite fille faible des Lightwood. Seule … Seule Elysium voyait en moi une force !

Je criais son prénom ne retenant même plus des larmes de sang roulant le long de mes joues. Cette peine dépressive qui me collait à la peau telle une sangsue semblait vouloir exploser une fois de plus. La première fois, ce fut Malaki qui en fit les frais. C’était à lui que je révélais ma véritable faiblesse, celle où j’avais bien failli abandonner Araël.

- Comme tu vois, je vais très bien. Très bien même lâchais-je sur une frustration. Je sors, je m’aère l’esprit. J’essaie de ne pas penser. J’aimerais … Je m’arrêtais brusquement, la gorge étonnamment nouée. Je voudrais qu’on parle. Comme avant, mais aussi sérieusement.

Je le fixais du regard, le sang qui se déplaçait dans mes veines semblait aller plus vite par mes muscles contractés. Oui, je savais que ce devait être le ressentit d’un humain lorsque son cœur battait la chamade.  

Je savais que mon frère n’y fut jamais pour rien. Toujours, Araël fut à mes côtés pour forcer la main de père, de mère même, à nous laisser sortir d’Haïma Elysium et moi. Étant la plus jeune, je crois avoir été la plus protégé, la plus chouchouté entre nous deux. Comme si naître en troisième aurait pu provoquer un gène de faiblesse que mon frère et ma sœur n’ont pas. Foutaises. Mais je le savais déjà que mon frère fut toujours là pour moi tout comme ma douce Elysium. Araël n’avait tellement pas besoin d’en dire quoique ce soit.
Je le savais, c’est tout.

C’était pour cela que je pleurais. Pour être incapable d’empêcher ces insultes de sortir à l’égard de mon frère. Je ne le pensais pas vraiment. Oh ! S’il savait combien je l’aimais. Je pleurais pour sa protection envers moi, je pleurais pour son rappelle des chasseurs pouvant être embusqués derrière le buisson là, derrière ou bien cachés à l’intérieur de ces ruines cherchant le bon moment pour nous sauter à la gorge, au cœur.

- Je sais … Je sais … Je sais …

Répétais-je à Araël à ce « fossé » créé entre nous. Mes mots n’étaient qu’un murmure entre l’agacement et le désespoir.

Lasse, je me laissais alors glisser le long du muret me retrouvant à nouveau debout devant mon frère prenant, la tête haute, le mouchoir qu’il me tendait. Je m’essuyais discrètement le dessous des yeux du sang ayant perlé. La tête baissée sur le mouchoir le préférant au regard d’Araël, je remarquais que l’objet était brodé en soie avec les armoiries de notre famille dans un coin. Notre famille songeais-je en frissonnant avec émotion au contact de la main de mon frère sur mon épaule gauche. Je le laissais, néanmoins, faire à sa guise trop fatiguée pour l’en empêcher et ayant ce besoin irrationnel de l’avoir près de moi.

Mais qu’est-ce qui restait des Lightwood ? Et non, « Davy Jones » n’en faisait même pas partie. Ça, c’était malheureusement un autre Vampire, l’une de mes connaissances …

Le mouchoir dans les mains, je levais finalement mon regard bleuté sur lui. C’est là que j’y puisa une certaine force. Je voulais, en effet, parler. Il fallait que je parle. Est-ce qu’on allait se laisser faire ? Tuer cette vision de nos parents et la nôtre d’un monde de la nuit pacifique ?

- J’en ai assez de me laisser faire. Je veux qu’on agisse pour retrouver cet assassin.

Affirmais-je dans une détermination et une soudaine colère sourde. Ma gestuelle parlait même pour ma personne alors que mes mains attrapaient les bras d’Araël le tirant brusquement vers moi. Mon regard ne cessait dorénavant plus d’observer le sien. Je voulais y trouver son approbation. Je voulais y voir là les prémices de ma vengeance.

- Laisse-moi organiser une mission d’espionnage vers Atlas. J’y emmènerais les meilleurs gardiens. J’y trouverais cet assassin et je l’y traînerais jusqu’au palais encore vivant pour que tu le tue de tes propres mains lâchais-je dans une voix des plus grave qu’elle pouvait faire passer pour un grognement. Je me ferais entraîner aux armes par Hélios. Il saura ne pas pouvoir me dire non.

Aucun sourire ne pointait sur mon visage de marbre. Je savais que Hélios serait difficile à convaincre, mais j’étais la sœur d’Araël. Il ne pourrait pas non plus dire non éternellement à cette mission, car ce sera un ordre.  

Le feu sacré commençait de brûler à nouveau en moi. La simple raison d’avoir un projet me faisait oublier l’énorme vide gisant au fond de cœur. Et quoi de mieux comme projet que de venger la cause de ce vide ? Je n’en voyais pas d’autres alors que j’entendais les mots de mon frère, toujours aussi posé lui, m’expliquant l’avancement de l’enquête. Il m’énervait avec sa patience, sa lenteur habituelle. Si l’assassin était humain, on n’avait pas 1000 ans devant nous et probablement même pas 50 ans !

- Je suis contente d’apprendre que tu saches, au moins, comment venger notre sœur.

Avais-je rétorqué plus durement que réellement voulu. Araël me parlait aussi du clan d’insurgés sur Astrée. Sans même attendre la fin de la phrase, je soupirais furieusement levant la tête et les yeux au ciel. Atlas, Astrée … Je ne savais jamais où se perchaient les humains par chez nous ? Bon, en même temps, il ne faudrait pas que je révèle ce menu détail parce que mon frère m’empêcherait d’y aller.

Mais honnêtement, je ne pensais pas que ce serait aussi facile de le convaincre. La bouche grande ouverte, j’avais aussitôt lâché ses mains. Je lui fis un sourire taquin, sortant légèrement ma langue, faisant montre de ma victoire rare contre lui.

- Si ce sont juste des preuves que tu veux, c’est normal. Tu me prends pour qui Araël ? Un bourreau ! Une sadique !

Je fronçais les sourcils faisant presque une grimace en secouant légèrement la tête encore sous le choc de la facilité avec laquelle je gagnais mon dû. Bon, il lui fallait encore mon assurance de faire attention, d’être discrète. Que l’assassinat d’Elysium serait un complot et non commis par un fou.

Au moment où il me prit doucement les mains, j’avais perdu mon sourire et une partie de ma détermination. J’avais maintenant peur de qui pouvait se cacher derrière un crime aussi odieux. Ce pouvait-il que l’attaque des vampires mordus ait un lien ? Malheureusement, je ne pouvais pas baisser la tête parce que Araël me tenait fermement les poignets. Mais j’aimais cela. J’aimais son contact qui me rassurait, qui me sécurisait. Muette depuis ces dernières secondes, je commençais à balbutier des bribes de mots puis, je me mis à parler plus normalement.

- Je … J … Je n’avais pas pensé à cela … Je … Peut-être que l’attaque des Vampires mordus est liée à celle d’Elysium en fait.

Je forçai soudainement mon relâchement m’éloignant légèrement pour observer l’horizon. En fait, l’horizon c’était vite dit de mon point de vue parce que les murs de pierre en cachaient une bonne partie. Je me forçais à reprendre bonne contenance, de rejeter les épaules vers l’arrière et tenir ma tête haute. C’est là que me vint une horrible pensée. Je me retournais en un mouvement vers mon frère.

- Et si … Et si Elysium a été assassinée par un Vampire ? Est-ce que tu penses que ce serait possible ? Est-ce qu’il y aurait un traître au palais ? Sinon … Comment penses-tu qu’un chasseur ait pu entrer … Enfin, peut-être qu’il y en a eu un, mais … Et si on l’avait aidé. Oh !

Horrifiée par mes propres pensées, je me couvris le visage de mes mains. Certes, même si je ne voulais pas l’entendre il était fort possible qu’un des résidents du palais soit de mèche. Après tout, le palais est très bien gardé et cela même avant : Quand tout était normal.

- Ce sera, en effet, bien plus difficile d’organiser la mission d’espionnage.

Marmonnais-je les mains toujours contre mon visage regardant à moitié Araël. Comment faisait-il pour rester de marbre à chacune de ses interventions ? Pour moi, sa seule mention de la discrétion m’a montré une nouvelle vision, plus horrible encore.

On avait vraiment failli se disputer mon frère et moi. On avait voulu se renvoyer la balle : à qui la faute pour le décès d’Elysium. Mais si elle avait été ici, entre nous, Elysium nous séparerait et dirait que tout ceci suffisait ! J’avais été insulté par la rétorque d’Araël, mais grâce au souvenir de ma douce et sage sœur toujours aussi vif, je restais muette. Et cela, bien malgré mon air désapprobateur. Puis, la dispute ne menait à rien si je voulais aller espionner les humains sur Astrée. Mon frère me voyait alors comme si j’avais été une guerrière réclamant vengeance pour ma famille. Pourtant, il n’en était que plus faux. Je n’avais pas confiance en moi. Je ne savais pas réellement où chercher ni comment le faire.
Pourquoi avais-je proposé ceci ?

Je pensais avoir été si forte, mais je doutais tellement de moi en fait. À 950 ans, ma naïveté venait de disparaître totalement. Je n’étais plus cette Arya optimiste et guillerette, mais bien effrayée par ce que je venais de découvrir sur moi …

Je cherchais donc des hypothèses à cet horrible crime qui me venaient finalement très aisément. Normalement, mes exercices de « Parkour » m’aidaient à me vider la tête. Là, bien au contraire, elle était remplie de mes plus vils cauchemars. Malgré la neutralité dont faisait preuve mon frère par un possible complot, j’avais évoqué d’autres hypothèses bien, bien pires. Comme si mes pieds avaient été collés avec de la colle forte au sol, j’observais Araël s’asseoir sur une grosse pierre sans être capable d’en faire autant moi-même. Je haussais les épaules, paumes tournées vers l’avant, en proie à de grosses questions quant à la possibilité de nos espions de trouver des indices.

- Il doit y avoir des indices. À moins que ce soit un fantôme l’assassin, il doit y avoir quelque chose, quelque part …

Je m’indignais contre un certain pessimisme. Je refusais d’entendre que les espions pourraient penser trop difficile de suivre la trace du ou des coupables. Il doit y en avoir plusieurs songeais-je un index de réflexion sur mon menton. Pour cela, j’écoutais à moitié Araël. Puis, subitement, j’éclatais de rire. C’était sûrement un rire nerveux, mais il me fit tellement bien. En même temps, manquant de me péter la gueule sur les dénivellations du terrain à cause de mon hilarité, je m’approchais de la position assise de mon frère pour me laisser finalement tomber au sol devant lui.

- Fais pas comme si je n’aimais pas papa. J’adorais papa, mais il était tellement vieux jeu en même temps. En fait, avec cela il en était prévisible.

Lâchais-je sarcastiquement toujours dans mon rire spontané. Voilà, je venais de rire avec mon frère. Il n’était pas trop tôt. Cette soirée allait donc sûrement bien tourner. Enfin, c’était avant que mon frère se traite de mauvais monarque et de …

- Hé !

Aussitôt, j’étais sur mes pieds et je le tapais brusquement pour lui faire ravaler ses paroles. Sur ce, je le regardais très peu de temps et aussi furieuse que précédemment, mais évidemment pas pour la même raison.

- Comment oses-tu dire que tu es faible ! Puis, tu es un aussi bon empereur que papa voir plus ! Tu es bien plus tolérant que père et … Je ne vois pas comment quelqu’un aurait pu vouloir nous toucher à ce point à moins que ce soit pour prendre le pouvoir !

Ces derniers mots me firent l’effet d’une bombe. Je sentis mes jambes faiblir sous mon poids et décida, ainsi, me mettre à genoux devant mon frère. Et, une fois de plus, je repensais à ma propre faiblesse. À celle qui aurait pu laisser Araël seul.

- S’il y a une personne qui a été faible ici, c’est moi et personne d’autre. C’est pour ça que … Que je veux faire quelque chose. Enfin !

Je n’étais pas agacée, mais furibonde tout comme blessée, énormément blessée par ma propre stupidité, mais inconnue à mon frère.

Je dus être franchement horrible et égoïste de rire alors que le sujet était grave. Je voulais bien croire que c’était par nervosité, mais peut-être aussi y avait-il un peu de méchanceté. Je m’en voulais d’être aussi lâche envers mon père. J’aurais tellement pu lui dire tout ce à quoi j’espérais, mais … Je ne le fis pas. Pourtant, on est si semblable lui et moi. Après une longue et palpitante non-vie à nous avons la même faiblesse : on en est maintenant las. M’aurait-il compris s’il avait été ici, en ce moment avec maman ? La réponse fit automatiquement écho dans ma tête : non. Non, car il n’aurait même pas été mort. Il ne l’aurait pas fait ni maman si en vie aujourd’hui. Il ne m’a jamais compris. Jamais !

Ainsi, cela m’agaçait que Araël soit si digne devant notre père. Il l’excusait pour avoir vécu à une époque si reculée que personne n’avait vu depuis des millénaires. Je crois que j’en avais soupiré. Araël était tellement honorable voir même sage. C’était quelque chose dont j’étais incapable de faire. C’était quelque chose qui m’agaçait, mais en même temps me montrait sa capacité à gouverner. Il était fait pour être Empereur et moi simplement une conseillère. Et il pensait ne pas être à la hauteur ! Lui ! Cela me mit hors de moi ! J’aurais voulu gueuler jusqu’à ce qu’on m’entende sur le continent même ! Mais je ne l’ai pas fait écoutant à peine ses dires quant à une personne de pouvoir mêlée à l’assassinat de notre sœur !

- Parce que … Je … Je n’ais pas envie d’en parler.

Murmurais-je tout en baissant la tête honteuse. J’étais gênée n’ayant pas vraiment envie de parler de cette « faiblesse » avec mon frère. Je n’avais pas envie qu’il me voie comme cela. Il avait déjà tant à gérer. S’il savait ce que je faillis faire, il en serait peiné, je le sais. C’était à ce moment qu’il me força à m’asseoir près de lui. J’eus un petit sourire en coin tout en me relevant et prenant place sur la grosse roche. De ma jambe, à petits coups, je m’amusais à le pousser un peu. Je m’amusais simplement de ce petit jeu niais. C’était stupide n’est-ce pas ? Mais au moins, je souriais enfin. J’aimais être près de lui.

Lui ne semblait, néanmoins, ne pas avoir envie de s’amuser parlant bien tristement de son rôle d’empereur. Je me mis à lui caresser gentiment le dos de la main droite. Mon visage restait muet pendant les prochaines 10 secondes à tout le moins.

- Je sais. J’en sais assez malgré le peu de temps que je passe assise sur ce trône soupirais-je sarcastiquement. Je dois paraître forte, droite et juste et si on voit une once de faiblesse sinon on me critique.

Voilà, encore la faiblesse. Mon regard vrillait cette fois les étoiles petits points blancs scintillants dans le ciel qu’on aimait tant me comparer à. Pourquoi ? Était-ce ma brillance ? J’eus un petit rire sarcastique à cette pensée sordide vu les trois derniers mois et baissa finalement la tête.

- Mais, tout à l’heure, Araël j’étais sincère. Je veux aider. Je veux faire quelque. Soudainement, je levais mon ton voix ramenant ma détermination précédente. Il faut commencer à faire une liste de tous NOS ennemis.

J’appuyais fermement sur le pronom spécifiant qu’on était là-dedans tous les deux. Ce n’étaient pas seulement ses ennemis, mais aussi les miens. Je le regardais fermement dans les yeux et avec ma main gauche tournant doucement son visage pour qu’il me fasse face.

- La liste sera peut-être longue, mais il faut qu’on s’arrête à penser que chacun d’eux pourraient l’avoir fait.