Je ne suis pas du genre à raconter ma vie, j'ai même horreur de ça. Cependant, un être trop mystérieux est un être solitaire et de qui on se méfie. Vous pouvez vous méfier ! Je suis un vampire, noble par-dessus le marché, il serait idiot de ne pas être méfiant.
Je suis né d'un père vampire noble et une mère humaine au milieu des Etats-Unis d'Amérique actuels. Mes parents étaient une énigme pour moi. Encore aujourd'hui, avec le recul, je ne savais pas ce qui avait amené deux êtres aussi différents à créer une famille. Mon père était la classe, l'élégance, la bienséance même tandis que ma mère n'avait rien à voir. Violente, menteuse, mauvaise, rien de cette femme n'était vraie. Malgré moi, j'endurais ses coups, ses mots, parce que mon père en valait la peine. Il était bon et juste avec moi et faisait son possible pour me faire oublier les mauvais moments avec ma génitrice. Il me donna le goût à l'art, aux belles choses, aux choses plaisantes, aux choses de la vie.
Pour une raison que j'ignore, ma mère donna un second fils à mon père. C'était il y a tellement longtemps, j'avais entre cinq et dix ans. Je ne me souviens plus exactement, car je préférais de loin oublier cette période de ma vie. Nous étions dans un petit village, ou une sorte de campement, peu de chose ne se savait pas et notre maltraitance faisait soit partie de cette dernière catégorie, soit les gens n'en avaient rien à faire. J'essayais de protéger au mieux mon petit frère contre les excès de colère de notre mère, mais malheureusement, mes efforts étaient parfois vains. Je voulais tellement partir, loin, très loin, voir le monde, quitter cette prison, cet enfer, mais je ne pouvais pas abandonner mon petit frère et je décevrais énormément mon père si je prenais cette décision lâche et égoïste. Lorsque j'étais adolescent, je lui avais parlé franchement de la situation et je me souviendrais à jamais de ses paroles.
« Mon fils, un homme ne fait pas passer tout le temps ses intérêts avant sa famille. Parfois, il faut faire des compromis, voire même des sacrifices, et endurer. Car un homme endure beaucoup de choses, comme la femme endure le fait de devoir mettre au monde un enfant. Malgré moi, tu as déjà appris à être un homme depuis longtemps. Je suis désolé, mon fils. »Savait-il ce qu'il allait se produire ? Était-il seulement au courant de ce qu'il se passait dans son dos ? Était-ce pour cela qu'il m'avait dit de telles paroles ? Beaucoup trop de questions, aucune réponse. Cela faisait partie des mystères de ma vie.
Un soir, des hommes entrèrent chez nous. Mon père fut assassiné, mon petit-frère capturé et notre chez nous réduit à néant. Je devais avoir quatorze, voire quinze ans, et j'ai tué chaque homme qui avait osé faire cela à notre famille. Notre mère ? C'était entièrement de sa faute ! Elle était complice de ce méfait et je jurais sur le corps de mon père de la tuer en lui rendant chaque coup, chaque blessure, qu'elle nous avait fait subir et libérant mon petit frère. Je courus, traquant ces gens de la pire espèce pendant des heures avant de finalement les retrouver. Ils avaient placé leur campement dans une grotte, à moitié cachée par de hauts sapins verdoyants. Je pénétrais et n'hésitais pas une seule seconde à les tuer, un par un, sans aucun remord, ni aucune once d'humanité. Je ne ressentais que de la haine, de la rage, de la rancœur pure et brute. Je voyais rouge et rien ni personne ne m'empêcherait de respecter ma promesse et d'exécuter ma vengeance. Néanmoins, un homme me stoppa dans ma tuerie nocturne, menaçant de tuer mon petit frère qui était enchaîné, incapable de se défendre, les larmes striant son visage. J'attendis le bon moment et bondis sur l'agresseur, l'éloignant de la seule famille qui me restait avant de l'achever sans plus de cérémonie. Soudain, un cri me foudroya. Mon corps pivota vers mon petit frère, transpercé par une lance en plein dans le cœur et tenue par nulle autre que notre mère. Je hurlais et me jetais sur elle. Ce combat se finit bien trop rapidement avec ses organes éparpillés sur le sol et mon hurlement de tristesse et de désespoir résonnant dans la grotte.
J'ai dû pleuré des heures, voire des jours, pour finalement revoir la lumière de l'aurore. Mon petit frère dans les bras, je retournais dans ce qui restait de notre maison. Certaines vitres étaient brisées, la porte était restée ouverte et on sentait que la vie avait abandonné ses murs. Je déposais le corps de mon petit frère à côté de celui de mon père, les recouvrant symboliquement d'un drap blanc. Je fis une toilette, me nettoyant de tout ce sang, mais ma tristesse, mon chagrin, me collait à la peau. J'étais quelque peu perdu, je ne savais pas quoi faire. Devais-je abandonner leurs corps ainsi ? Partir et ne jamais revenir ? Comment allais-je survivre, moi qui ne connaissait que la maison et ses alentours restreints ?
Lorsque la nuit tomba, quelqu'un frappa à la porte. Ma curiosité était piquée à vif, mais ma méfiance était à son summum. Je pris un pic en fer, utilisé pour chatouiller les braises de la cheminée et ouvris légèrement la porte. C'était un homme très bien habillé, probablement de la haute société, l'air grave, mais légèrement surpris que je lui ouvre. Il voulait voir mon père et en un rien de temps, je sus que j'avais devant moi un vampire de sang-pur. Je relâchais légèrement ma garde, l'invitant à entrer, avant de lui poser des questions. Apparemment, il n'avait pas respecté certaines lois et devait se présenter à la couronne. Je lui annonçais qu'il était mort, ainsi que mon petit frère, et de fil en aiguille, je lui racontais tout. Pourquoi ? Car je n'avais pas envie de mourir malgré la loi vampirique et que s'il y avait un moyen de survivre, je devais la saisir à tout prix. Je l'emmenai même jusqu'à la grotte et cela le convainquit qu'en dépit du fait que mon père avait caché sa descendance, j'avais un vampire viable, fort, mais qu'il fallait m'entraîner. Cet homme me proposa un marché auquel je ne pouvais décemment pas refuser : il me prenait sous son aile, je lui obéissais et lorsque je serais prêt pour vivre des siècles sans me faire repérer des humains, il me rendrait ma liberté. C'était vague, surtout pour un vampire qui a énormément de temps devant lui, mais je n'étais pas idiot. Je ne connaissais que très peu de chose du monde et il fallait que j'apprenne. Cet homme m'offrait la possibilité d'avoir un mentor et une certaine protection. Craché sur la facilité serait des plus idiots.
Pendant un peu plus d'un siècle, je vécus avec cet homme, entouré de serviteurs, dans une situation aisée, mais pourtant mal vu de ses pairs. Je ne savais pas très bien pourquoi, mais il était en déshonneur sur quelque chose, une affaire sentimentale. Je l'avais questionné une seule fois et cela m'avait fait passer l'envie de réitérer. Cependant, le destin fit en sorte que je le découvre : il aimait partager les plaisirs de la chair avec n'importe qui, vampire, humain, homme et femme réunis. Peut-être était-ce pour cela que j'avais moi-même essayé au fur et à mesure ? Je ne m'étais jamais attardé sur le sujet.
Pendant ses années-là, je me forgeais, je grandissais, j'apprenais jusqu'à ne plus avoir soif ou plutôt jusqu'à être détourné du sujet pour m'abandonner dans un bain de luxure. Même si c'était des années agréables et qui ont participées à façonner l'être que je suis aujourd'hui, je préfère rester vague sur les évènements pendant cette période.
Le plus important était que j'ai enfin pu quitter cette terre que l'on nomme Amérique pour découvrir l'Europe. Enfin, l'Ancienne Europe. Bien différente d'aujourd'hui, plus maniérée, plus élégante et éduquée. Capitale française, villes royales françaises, capitale espagnole, je me présentais sous le nom de Zero. Ce ne fut qu'à Rome où je me posais réellement. Bien malgré moi, je tombais sous le charme d'une ravissante Medicis, que je tairais le nom pour préserver sa mémoire et la mienne. En plusieurs siècles d'existence, c'était bien la première fois que je tombais amoureux et le mot Amour avait tout son sens avec elle, au point que je causais sa perte tellement j'étais sur un petit nuage. Je lui révélais que j'étais un vampire, ayant pleinement confiance en elle et voulant passer mon existence entière à ses côtés. J'étais jeune et insouciant. La Couronne Italienne vampirique eut vent que j'avais dévoilé le secret. Elle fut tuée et pour survivre, je m'engageais à servir la Couronne. J'étais un électron libre pour eux, un vampire noble sans famille, venant d'un continent qui leur était inconnu à l'époque et qui, pourtant, avait les mêmes règles. Sûrement un secret royal.
Quoiqu'il en soit, je passais mes siècles suivants à être leur Soldat, protégeant la Couronne si tel était ma mission, exécutant dans l'ombre des complots si cela était nécessaire. Je n'étais pas adepte de ce genre de choses, mais j'avais cessé de me poser des questions. On me demandait, j'exécutais comme un parfait Soldat. La récompense était en or et je pouvais vivre ma vie comme je l'entendais. Tout en respectant les lois fondamentales. Je me gardais bien de franchir les limites de manière discrète et je ne les remercierai jamais de m'avoir enseigné la discrétion, la fourberie et le sadisme. Non, je n'ai pas oublié le terme "assez". Je ne le ferais jamais, sinon ils se douteraient que je n'aie pas été réglo et mettraient leur nez dans mes affaires.
Alors que je pensais mon cœur brisé, mon regard tomba sur Malaki. Ce nouvel arrivant, ce bel asiatique, me fascinait et réchauffa cet organe que je pensais éteins. Cela faisait des années, voire plus - depuis la jeune Medicis - que je n'avais pas éprouvé cela. Je m'étais employé à le charmer, à le dépraver, car je le désirais plus que je ne pouvais le dire et je désirais le voir autrement que charmant, poli et élégant. Et encore une fois, je me brûlais. Perdu dans mon jeu, mon cœur se brisa une seconde fois.
Je pansais mes blessures en enchaînant les conquêtes, en m'engouffrant toujours plus dans la luxure, jusqu'à ce qu'une chose me frappa. Outre le fait de servir la Couronne Italienne vampirique, je n'avais rien, je ne possédais rien. Certes, l'idée-même d'avoir quelque chose qui m'ancre à un lieu ne m'enchantait guère, mais malheureusement, j'aimais vivre comme je l'entendais, et même si on me payait bien pour n'importe quel travail, je faisais en sorte de dépenser chaque pièce. Je fis la chose la plus dure de toute ma vie : j'économisais. Heureusement, ce n'était pas une somme astronomique comme aujourd'hui, même si pour l'époque, c'était une somme énorme, mais finalement, j'obtins un bien. Un hôtel. Pas très grand, quatre étages, une vingtaine de chambres, mais ce n'était que le début. Cet hôtel était suffisamment bien positionné pour attirer les êtres humains. Résultat, sans que les humains ne s'en rendent compte, ils donnaient leur sang en séjournant dans l'hôtel. La règle était simple : le vampire devait effacer la mémoire de l'humain, sinon tous les deux seraient tués. Entre se nourrir et mourir, il fallait faire un choix logique et une seule personne en fit les frais, mais c'était un connard notoire qui voulait prouver des inepties. Bien malgré moi, cela fonctionna tellement bien que j'espère pouvoir importer l'idée sur l'île d'Haïma.
Récemment, on m'a confié sous la tutelle d'un jeune Prince, le Prince Grimaldy, et je dois me rendre sur l'île. Pour combien de temps, je n'en avais aucune idée, mais l'idée de recroiser ce cher Malaki me réjouissait. Moins le fait qu'il y ait des Lightwood, mais le monde n'était pas parfait, n'est-ce pas ?
J'en profitais pour faire l'acquisition d'un hôtel :
La Commedia. Petit hommage à ce cher Dante et son écrit. J'avais difficilement de quoi le payer, c'était un fait, mais après quelques mois à essayer de gérer un porte-monnaie, je pus mettre suffisamment pour l'acquérir. Je ne savais pas combien de temps j'allais rester sur cette île, autant avoir un pied-à-terre décent au lieu de rester dans une chambre impersonnelle.