Retrouvailles (.n) the joy of meeting or finding someone again after a long separation - Malaki Hiroaki

L’aube avait des teintes diverses en ce jour et tandis que le Heaven s’apprêtait à fermer afin de se refaire une beauté je slalomais entre les bouteilles et les corps gisant sur le sol en y donnant de brefs coups de pied.
« Debout ! Allez cuver ailleurs ! » Fis-je amèrement alors que j’atteignais enfin le bar.
L’instant d’après mes doigts enserraient le goulot d’un magnum de Vodka dont je goûtais rapidement le contenu en reprenant mon inspection des lieux, le regard glissant dans les moindres recoins. Jusqu’ici rien n’avait été cassé, abîmé et c’était une première pour cette semaine ! L’assassinat de notre chère Elysium avait éveillé tant de choses ces derniers temps qu’une violence sourde semblait avoir marqué les esprits, les rongeant à loisir, encore plus sous les effets néfastes de l’alcool. Le club en faisait donc les frais ainsi que mon mental exacerbé par toute cette brutalité. Une nouvelle rasade glissant dans ma gorge sèche, j’adressais une œillade à l’un de mes hommes.
« Vire tout ce beau monde qu’on puisse ranger tranquillement. »
Un unique signe de tête fut sa réponse. Je détalais aussitôt jusqu’à l’étage ou se trouvait l’espace « administratif ». Dans ce bureau à l’image des deux gérants de l’endroit, on trouvait tout : les recettes, une réserve de grands crus ainsi qu’une tonne de paperasse face à laquelle je préférais fuir. Le regard ancré sur le bois de la porte, je soufflais, mes pas battant le sol dans un rythme calculé. La fatigue ne se faisait pas sentir. De toute façon dormir était devenu une activité atrocement passive dont la tranquillité me provoquait la nausée. Rester à ne rien faire m’était insupportable et j’avais horreur de cette situation dont nos ennemis devaient se repaître.
« Putain. »
Le juron était sorti tout seul alors que j’ouvrais le battant d’un mouvement sec, mais ce que j’entrevis me stoppa net dans mon élan. Mes longues boucles se répandant sur mes épaules en une vaste cascade sombre continuèrent leur chemin tandis que ma bouche s’entrouvrait.
« Oh putain de putain cette fois. » Soufflais-je, la respiration coupée par le choc de cette vision.
Ni une, ni deux, je me propulsais en direction du fauteuil occupé par cette silhouette trop, beaucoup trop familière. Il eut tout juste le temps de se lever que je venais l’enfermer entre mes bras. Retrouvant son parfum, retrouvant son âme, j’étouffais larmes et rire contre son épaule histoire de ne pas perdre totalement la face dans cet instant que j’avais tant attendu.
« T’es rentré ! T’es là ! »
Aussitôt mes yeux pétillèrent face à cette réalité et quand je me détachais de lui afin de le regarder de cet œil neuf je ne pus que lui adresser mon sourire le plus moqueur.
« T’as une sale tête. »
Mon poing heurta gentiment son torse tandis que je reprenais contenance. Un poids monumental venait de s’ôter de mes épaules comme par magie. Un signe que c’était bel et bien lui face à moi…
« T’aurais pu prévenir de ton retour spèce de charogne ! »
L’œillade que nous partageâmes m’arracha un haussement de sourcil taquin jusqu’à ce que je brandisse ma récente acquisition. Rien de mieux que des retrouvailles autour d’un verre ! Encore plus avec Malaki. Le magnum tournoya entre mes doigts dans une danse légère empli de vivacité qui était dû au plaisir de contempler une nouvelle fois mon compagnon de jeu favoris. Après tout, il n’avait pas son égal pour me faire sentir « moi », si complète.
« Je t’offre un truc à boire ? »
Le comble de dire pareille phrase au propriétaire du Heaven. Toutefois, il avait beau être mon "boss" ça n'avait rien changé entre nous. De toute façon, peu de choses pouvaient réellement altérer notre relation. Nous étions ce duo infernal et le resterions ce pour l'éternité.

Un sifflement admiratif s’envolait entre mes lèvres face à la proposition osé de mon acolyte de toujours ! Il désirait jouer ? Quel bonheur d'enfin le retrouver. Je pouvais d'ores et déjà entrevoir nos futurs bêtises communes. C'était terriblement exaltant ! J’haussais donc les épaules en retenant un rire, installant mes fesses sur le bord du bureau ; une mauvaise habitude que j’avais acquis au fil des années, si ce n’était des siècles. Jugée sur mon siège, j'attendis patiemment que Malaki me rejoigne pour le toiser d’un sourire mutin en gigotant sur le bois vernis. L’impatience se lisait déjà dans mon regard, la bouteille encore entre mes phalanges de façon frénétique.
« Que dirais-tu d’un bon vieux Action Vérité cher boss ? »
Face aux deux gobelets de verres, je brandissais cette cuvée dont la transparence était maintenant vermeille. Si je n’avais pas bu de plasma depuis plusieurs semaines, le sang continuait de colorer mes cocktails de façon régulière et ce pour donner davantage de corps aux alcools que j’avalais lors de mes longues soirées.
« Très cher ami il y a de l’hémoglobine ! Estimez-vous heureux car j’ai chipé ceci sur le comptoir du bar à ce qui s’apparentait à un cadavre agonisant de sa nuit. Je ne savais même pas ce qui se trouvait à l’intérieur ! C’est dire ! »
L’hilarité manqua de me cueillir quand j’entrevis entre les parois fines de mon esprit ce corps inanimé. Le client avait dû passer commande avec les dernières forces vitales ancrés dans ses membres, mais malheureusement pour lui il ne pourrait pas profiter de cette dépense, car déjà le liquide coulait à flot et ce pour notre plus grand plaisir. Nos verres tintèrent en s’heurtant alors que je retrouvais les prunelles du noir singulier de mon frère chéri. J’esquissais un sourire avant de porter le nectar divin à mes lèvres.
« A nous et à notre Empereur. »
La première gorgée me parut aussi douce qu’un matin d’été puis la chaleur de l’alcool s’insinua la seconde d’après au sein de ma gorge. Une sensation dont j’aimais la brûlure ; elle me faisait sentir terriblement vivante. Ma poigne de nouveau refermer sur le magnum, j’esquissais un sourire.
« Les dames d’abord, n’est-ce-pas ? » Fis-je dans une œillade amusée.
Malaki savait pertinemment qu’entre nous il n’y avait pas de véritable différence. C’était là une façon de le tourmenté comme une gamine l’aurait fait avec son jumeau, un rituel que nous avions toujours eu depuis notre première rencontre entre les vastes murs du palais.
« Hum… Voyons… Que vais-je choisir ? »
Ma bouche se tordit, mes jambes se croisèrent et bientôt je me perdais dans une fausse réflexion. Action, cela aurait été trop prévisible ! Mon ami connaissait mieux que quiconque mes emportements ainsi que ma fâcheuse tendance à foncer tête baissée. Je levais donc mon récipient vide dans sa direction pour amorcer une nouvelle tournée à mesure que mes mots virevoltaient jusqu’à lui.
« Vérité. Pour une fois ! Cela nous changera. »
Déjà l’ambiance devenait plus festive et mes tracas s’envolaient de façon miraculeuse. Si nous avions besoin tout deux de nous détendre, le destin avait sagement agi de nous réunir en pareilles circonstances : c’était tout ce dont nous avions besoin. Rien de plus. Rien de moi. Il suffisait d’une épaule, d’une oreille, d’un sourire de l’un de nous pour que l’autre se sente mieux. Une relation parfaitement solide semblable à un don de la divine providence, même si je préférais m’asseoir sur ces principes fous plutôt que d’y croire.