Divide and conquer || feat. Rose

Je me complais sans doute un peu trop dans l'art de la contemplation. À rester assis à une table au fond de la salle, fixant avec dédain cette humanité suante de plaisir à l'alcoolémie exacerbée en buvant de ce même nectar qui les euphorise sans en ressentir les effets. Pas encore. Il n'est pas suffisamment épris de mes veines stagnantes de ce sang appelant la chaleur de son semblable que j'aurais envie de m'approprier à grands coups de jugulaires percées pour mon bon plaisir, mais non. Il faut bien se tenir, faire acte de cette présence bienveillante en compagnie de cette vermine dont la faiblesse n'a d'égal que leur capacité à embrasser la mort lorsqu'on leur offre sur un plateau d'argent. Tout aussi perfides que nous ces créatures, ces humains, même si parfois il faut les secouer un peu pour les voir sous leur véritable jour là où les siècles nous ont fait dont de cette capacité à vivre avec nous-même. Souvent. Si réellement ils n'étaient que cette pureté, cette vie éphémère qu'il faut préserver, les créatures dans mon genre ne peupleraient pas la surface de la terre. Portant le sang des buveurs de sang vénérés pour leur existence et de ces humains à protéger à tout prix... et pourtant traités en esclave tout comme eux par les hautes sphères de la société lorsque cela arrange de le faire. Inutile de se mentir alors que l'évidence est là. Les humains naissent et vivent sans que personne ne les empêche réellement de le faire là ou nous devons passer par ce processus à la con pour valider que nous avons ce qu'il faut pour mériter notre existence. Les humains peuvent coucher avec les monstres de ces histoires qu'on raconte aux enfants et se faire engrosser sans que personne n'y voit de problème, pour eux, laissant pourtant leur souillure être à la botte de ceux qui ont réellement le contrôle sur cet univers pourris jusqu'à la moelle. C'est si beau cette hypocrisie malsaine dans laquelle nous sommes baignés depuis notre plus tendre enfance pour que les préceptes de nos vies soient encrés en nos cervelles pour l'éternité.

Je ne m'en plains pas. Pourquoi le devrais-je alors que je n'ai connu rien d'autre que l'amer goût de cette défaite dans cette guerre que je ne pourrais pas gagner de toute façon? Je reste plutôt là, las de cette existence qui ne trouvera pas de fin à chercher comment faire au mieux avec cette tâche dont on m'a gratifié. Laissant l'alcool tourner dans le verre que je tiens à la main. N'en sentant pas les effluves à ne pas faire mine de respirer lorsque je n'ai pas besoin de le faire et me contentant de la brûlure que je laisse rouler dans ma gorge en dévorant la foule du regard. Si seulement je pouvais tous les saigner à blanc, si seulement... Je me lève plutôt en prenant mon verre avec moi, le visant cul sec avant de le poser sur le comptoir du bar. Demandant au barman de me donner une bouteille de Whisky avant de lui signifier que je pars pour le reste de la soirée. J'en ai assez. J'ai mieux à faire que tourner autour des proies que je ne peux pas consommer comme un vautour en manque de chaire fraîche.

Je prends plutôt la direction du palais, marchant de ce pas toujours si lent parce qu'après tout j'ai tout mon temps. Entreprenant de trouver la chambre de ma reine en jetant de bref regards à ceux que je pourrais croiser sur ma route. Usant des politesses habituelles lorsque cela est nécessaire en gardant pour moi les grimaces de dégoût que j'aurais envie de leur renvoyer, mais je suis un cabot bien élevé. Je garde pour moi ce qui peut tant m'agresser, ne m'en permettant davantage que là où je sais pouvoir le faire. Jouer la carte du Noble qu'on a bien dressé lorsqu'il le faut ou de l'humain mystérieux qui ne s'en laisse pas imposer lorsque je dois me fondre dans cette foule me titillant les sens. Je cogne, trois fois, avant de passer le pas de la porte et de la refermer derrière-moi. Restant face à cette dernière en l'attente de ma maîtresse en ayant tout de même la décence de m'annoncer. « C'est moi. » Dis-je simplement de cette voix qu'il ne peinera à reconnaître tant elle doit l'endurer depuis plus de cinq siècles déjà. « J'ai apporté à boire. Pas de quoi réellement le sentir, mais le goût reste agréable. » Pas autant que celui du sang frais roulant contre ma langue et mon palais, mais parfois il faut savoir se contenter de peu. Parfois il faut surtout savoir apprécier le tiraillement de la tentation, car la prochaine consommation n'en sera que meilleure.